Avoir mal et souffrir : quelle est la différence? - Alinéa Santé

Avoir mal et souffrir : quelle est la différence?

La science et les professionnels de la santé, se sont longtemps appuyés sur l’une des premières théories de la douleur attribuée à René Descartes. En substance, celle-ci  soutient que la douleur est un symptôme proportionnel à la gravité d’une lésion. Donc, pour éliminer la douleur, il faut tout simplement soigner la lésion.

Image 1

« Il faut trouver la lésion à tout prix! » semble être la devise de beaucoup de médecins de nos jours si l’on se fie aux nombreux tests diagnostiques qu’ils prescrivent : rayon X, IRM, scan, prise de sang, échographie, etc.

Pourtant, la théorie de Descartes ne tient plus la route dans plusieurs situations, et cela, depuis des lustres. Par exemple, après la 2e guerre mondiale, les soldats amputés ressentaient des douleurs fantômes (image 1). Comment expliquer la présence de douleur en l’absence du membre? Et les douleurs qui persistaient après la guérison de la blessure chez d’autres soldats?

Pourquoi encore aujourd’hui certains praticiens persistent à chercher la cause unique de la douleur chez leurs patients?

 

Douleurs vs souffrance

Habituellement, plus le temps passe, plus la lésion guérie et de ce fait, plus la douleur d’origine disparait progressivement. Mais cela semble être l’inverse qui se manifeste avec la douleur chronique, car celle-ci augmente avec le temps au lieu de diminuer. Plus le temps s’écoule, plus la douleur fondamentale fait place à la souffrance.

Étonnamment, dès le milieu du 18e siècle, les scientifiques semblaient déjà voir une différence entre la douleur et la souffrance.  Que la nociception (sensation de douleur) ne se résume pas qu’à la réponse du corps à une lésion corporelle, mais aussi à la signification de la douleur et de la souffrance qui en découle. La douleur est une expérience qui inclut des sensations physiques et des émotions désagréables. C’est une condition multifactorielle, non plus limitée qu’à l’aspect physique et mécanique de celle-ci.

Ce qui semble être le plus souffrant chez un bon nombre de personnes, ce n’est pas douleur, mais les incapacités qui en résultent. La vie professionnelle, sociale et familiale en sont bousculées, et souvent, un isolement qui pèse lourd sur le moral en d’écoulera. S’ajouteront fort probablement à cette vie déjà perturbée beaucoup de deuils à faire, de nouvelles limitations à accepter, des frustrations et des incompréhensions de notre entourage, ainsi qu’une multitude d’émotions. C’est ça un être humain. Curieusement, les médecins, les employeurs, notre société de performance et nous-même, semblent l’oublier parfois. Pourtant, il y a quelques centaines d’années de cela, certains scientifiques donnaient l’impression de l’avoir déjà compris.

 

Modèle peur-évitement 

En tant qu’être vivant, nous voulons tous éviter la douleur et la souffrance. Si nous avons expérimenté une douleur vive et intense à un moment donné de notre vie, nous voudrons inévitablement fuir à nouveau cette sensation, surtout si elle est associée à de mauvais souvenirs.

Par peur de provoquer ou d’augmenter la douleur, et même d’aggraver leurs conditions, certaines personnes auront plus de difficultés à reprendre leurs activités de la vie quotidienne et participer activement à leur rééducation. Ils voudront s’abstenir de faire tous mouvements ou efforts susceptibles de réveiller une douleur. C’est ce qu’on appelle l’évitement ou l’hypervigilance. Malheureusement, plus le temps s’écoule, plus qu’une condition devient chronique ou qu’une douleur persiste, plus les chances d’adopter un comportement de douleur augmentent. Par exemple, l’application d’un sac chauffant devant la télévision remplacera l’habituelle marche quotidienne.

Nos pensées catastrophiques ou de mauvaises informations peuvent entretenir et même faire escalader notre sentiment de peur. Ce qui n’est rien pour nous aider.

Lésions = douleur = pensées négatives = peur = évitement/hypervigilance (image 2)

 

Conditions chroniques = déconditionnement

Modèle Peur-évitement

Image 2

Malheureusement, plus nous tardons à reprendre notre vie dite « normale » plus nous risquons de basculer dans la chronicité. C’est-à-dire, que nous devenons déconditionnés physiquement avec toutes les complications que cela implique.

Dans le domaine de la réadaptation, c’est à l’intérieur d’une fenêtre de trois mois que les thérapeutes essayent de remettre sur pieds les patients afin d’éviter ce déconditionnement. Car pour le même effort donné, une personne qui a tout arrêté (travail, sports, activités quotidiennes), va ressentir une douleur ou une fatigue plus rapidement et plus intensément qu’une personne en santé. Sa condition physique générale et ses capacités physiques se seront détériorées durant sa convalescence et il y a de fortes chances que sa tolérance au stress et à son environnement aura également été affectée.

Déconditionnement physique =  ↑ fatigue = ↑ douleur = incapacité = dépression (image 2)

 

Rééducation possible et positive

Avant même vouloir entamer la rééducation physiques chez un patient, il faut s’assurer que celui-ci ne présente pas de signes de kinésiophobie (peur du mouvement). Si c’est le cas, il faut désamorcer celle-ci.  Les meilleurs remèdes que j’ai trouvés jusqu’ à ce jour pour contrer la kinésiophobie sont l’écoute et la discussion.

Lors de mes rencontre à domicile avec des nouveaux clients, souvent référés par des cliniques de la douleur, je prends tout le temps qu’il faut pour les écouter et discuter avec eux.  Cette première rencontre dont la durée prévue est 90 minutes, prendra parfois deux heures ou plus. Selon moi, une séance où le sentiment de confiance est installé et les appréhensions désamorcées donne des résultats positifs, et ce, de façon exponentielle par la suite. C’est le meilleur investissement que je puisse faire auprès de ma clientèle.

De plus, je m’assure que mes clients comprennent bien leurs problématiques. Est-ce qu’un professionnel de la santé (et ils en ont vu une panoplie avant de me voir) a pris le temps de leur expliquer leurs lésions, les répercussions de celles-ci, ce qu’ils doivent faire ou éviter? Étonnamment, souvent la réponse est « non ».

À ce moment-là, je sors mes livres, des images, je fais des bonhommes allumettes et des graphiques afin de vulgariser (sans infantiliser) la lésion et les symptômes qu’ils éprouvent. Je valide que ce qu’ils vivent et endurent, autant physiquement qu’émotionnellement, est normal dans ces conditions et qu’ils se sont pas les seuls à passer à travers cette épreuve.

Ensuite, il faut apprivoiser le mouvement et l’effort. Pendant l’heure qui suit, je leur montre des exercices doux, faciles à faire, avec peu de répétitions et la possibilité d’arrêter à tout moment. Après cette séance, la douleur se situe généralement autour de 3/10 alors qu’elle était à 11/10 sur l’échelle de la douleur  (image 3) au début de celle-ci. Pourquoi? Ils ont été écoutés, rassurés, compris et respectés dans leur cheminement et leur rythme. Ils ont aussi participé activement à une séance positive de rééducation (c’est une petite victoire en soi) qui fera du bien au moral et à leur confiance.

Charte de la douleur ADCQ

Image 3

 

D’ici notre prochaine rencontre, je leur demande de viser quelques répétitions ou même une série de plus ou de marcher 5 minutes supplémentaires. À chaque fois, je suis toujours surprise! Ils réussissent à en faire davantage que ce qu’ils s’en croyaient capable. Le cercle vicieux et brisé, enfin.

 

Garder espoir

J’ai toujours espoir, même dans les cas les plus lourds. Tant que vous respirez et que vous êtes bien vivant devant moi, il y aura une possibilité d’améliorer votre condition et votre qualité de vie. Avec les bons outils et un accompagnement adéquat, vous y arriver vous aussi. Ma devise est : « PERSONNES NE MÉRITE DE VIVRE AVEC DES DOULEURS JOURS APRÈS JOURS ET D’ÊTRE DÉPENDANT D’AUTRUI POUR LEUR SOULAGEMENT. LA SOLUTION EST LÀ POUR VOUS. IL SUFFIT DE LA TROUVER. »

 

Référence :

  1. www.yvanc.com
  2. https://douleurchronique.org/ressources/centre-de-documentation/publications/
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